Nadia Calviño : "L’UE a répondu aux défis unie et déterminée, recette de son succès !"
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Nous recevons cette semaine Nadia Calviño, présidente de la Banque européenne d’investissement (BEI), ancienne ministre de l'Économie du gouvernement Sanchez, et vice-présidente de ce gouvernement socialiste espagnol. Elle est la première femme à accéder à la tête de cette grande banque de l’Union européenne, qui a investi plus de 87 milliards d’euros en 2023 en Europe. Transformer la BEI en "Banque verte" au service des technologies et du futur, tout en renforçant l’industrie de la défense européenne : c’est le défi qu’elle s’est fixé depuis sa prise de fonction, en janvier 2024.
Les investissements de la BEI sont, selon sa présidente, "clés pour l’avenir de l’Europe", qui fait face à des défis colossaux, à commencer par la guerre en Ukraine. Après la prudence de son prédécesseur sur l’industrie de la défense, Nadia Calviño admet que la BEI doit s’adapter aux nouveaux enjeux et "contribuer aux politiques de l’UE". Mais elle préconise une "gestion prudente du portefeuille" afin de "préserver cette force financière". La BEI a annoncé lever les restrictions concernant les biens à double usage, civil et militaire. Un "grand pas en avant", selon Nadia Calviño, pour "contribuer à soutenir l’industrie européenne de sécurité et de défense".
L’accès au secteur de la défense sera aussi facilité pour les PME "actives dans ces domaines en Europe". Son plan d’action soutient une défense "made in Europe" pourvoyeuse de nombreux emplois. Les entreprises sont des "acteurs majeurs, mais aussi très innovateurs", souligne la présidente, "parce qu’il faut soutenir toutes les nouvelles technologies, que ce soit dans l’espace, les drones, le digital, tout comme les start-ups et les petites entreprises".
"La BEI est le partenaire le plus important de l’Ukraine en ce qui concerne les investissements"
Depuis huit ans, la BEI a alloué plus de 6 milliards d’euros à des programmes dédiés à l’industrie de sécurité et de défense, qui permettent de couvrir "la plupart des investissements que les États membres nous demandent, que ce soit le contrôle des frontières, la mobilité du matériel militaire, les drones et toutes les infrastructures". Mais pour ce qui est de la production de munitions, priorité des Ukrainiens, la BEI ne fait, pour l’instant, que "s’aligner avec les autres institutions financières et contribuer là où il y a une vraie valeur ajoutée d’une banque d’investissement", explique Nadia Calviño.
La BEI participe aussi à la reconstruction de l’Ukraine, à travers une "expertise technique" accompagnée d'investissements. "En ce moment, nous sommes le partenaire le plus important de l’Ukraine en ce qui concerne les investissements", assure sa présidente. Ce soutien pourrait déboucher sur un accord avec le Premier ministre ukrainien autour de "projets concrets pour aider la résilience de la force de l’économie ukrainienne". Nadia Calviño promet donc d’être au rendez-vous de la reconstruction de l’Ukraine. Elle envisage de "financer des grandes infrastructures énergétiques de transport, la rénovation énergétique des bâtiments, des écoles, des hôpitaux", mais aussi de "soutenir le secteur privé".
Ce soutien de la BEI est concurrencé par les États-Unis et grand plan d’investissement de l’administration Biden, l’Inflation Reduction Act, mais aussi par la Chine, qui subventionne les grands groupes. Nadia Calviño entend "préserver le leadership européen" face à ces grands acteurs, notamment dans le domaine des nouvelles technologies. Selon la présidente, c'est dans ce secteur qu’il faut "construire la compétitivité, la productivité et le bien être des citoyens" et à l'avenir, "faire de la transition verte un succès européen accessible pour les entreprises et pour les citoyens". Elle entend "soutenir les secteurs les plus affectés, comme l’agriculture", faire en sorte que les industries "restent en Europe" et que ça soit "profitable d’un point de vue de leur business", affirme-t-elle.
Aucun pays ne peut faire face aux défis actuels tout seul
Plus de la moitié des investissements de la BEI sont consacrés à la finance verte. "On est en train d'investir dans les technologies de l'avenir et garantir qu'on peut avoir une transition climatique qui aille au bénéfice des citoyens et des entreprises", assure sa présidente. L’accélération de cette transition verte va de pair avec "l’autonomie stratégique" de l’Europe en matière d’énergies : "On ne peut pas dépendre des autres quand il s’agit d’énergie, et c’est là qu’on doit investir", préconise-t-elle.
Cette autonomie doit se construire avec le concours de tous les pays de l’UE, selon la présidente : "Aucun pays, même la France ou l'Allemagne, qui sont de grands pays, ne peuvent pas faire face aux défis actuels tout seul. L’Union nous rend plus forts et il faut vraiment continuer à construire une Union européenne qui nous permette d'avoir une meilleure confiance pour faire face aux grands défis."
Un autre combat de Nadia Calviño est la parité dans les institutions européennes. Elle voit le "changement de notre société" vers plus de parité comme "une force de progrès pour l'Europe" et "espère bien que la prochaine commission, le prochain Parlement, sera le plus paritaire possible". Cette évolution est très bénéfique pour l’Europe, mais aussi pour les entreprises qui, quand elles respectent la parité, "sont plus efficaces, ont de meilleurs résultats et c'est mieux pour les citoyens", selon elle.
À quelques semaines du scrutin européen, elle dresse le bilan de la dernière législature : "On est resté unis jusqu'à maintenant. On a répondu à la pandémie et à la guerre en Ukraine de façon unie, déterminée. Et je pense que c'est le secret de notre succès. Il faut continuer dans la même ligne pour l'avenir." Elle met toutefois en garde : il ne faut pas "oublier les défis qui sont plus structurels, comme le changement climatique".
Face à la pression géopolitique, Nadia Calviño envoie un message fort à quelques semaines du scrutin européen : "Ces élections doivent être marquées par la protection des valeurs européennes, parce que l'Europe a été un phare de liberté, de paix, de protection des minorités et de respect pour le monde, et ce rôle doit être protégé", conclut-elle.
Une émission préparée par Sophie Samaille, Perrine Desplats, Anaïs Boucher et Isabelle Romero